Werner Jauch est un conteur de génie. Même si, aujourd’hui, l’entretien prend place dans l’étroite cabine du téléphérique, il captive rapidement son auditoire. Il explique pourquoi autrefois, les gens de Golzern, tout au fond du Val Maderan, dans le canton d’Uri, portaient tous le même couvre-chef en hiver: un bonnet à pompon dont le pompon était fixé à un cordon dont la longueur permettait de le mettre dans sa bouche.
Enfant, Werner a appris pourquoi c’était si important. Un matin, sa mère l’avait envoyé pelleter la neige quand il entendit soudain un grondement assourdissant: une avalanche. Il n’eut pas le temps de prendre ses jambes à son cou, alors il fit ce que ses parents lui avaient inculqué des années durant: il s’accroupit contre une congère et mit le pompon de son bonnet dans sa bouche. L’avalanche de poudreuse le frôla presque et il se retrouva peu après un peu sonné, mais indemne, dans la maison devant le poêle à bois. Une bonne demi-heure plus tard, il retrouva enfin l’ouïe, le temps nécessaire à la poudreuse dure comme du ciment qui avait rempli ses oreilles de fondre. «Si je ne m’étais pas fermé la bouche avec le pompon, elle aurait elle aussi été remplie de neige et je serais mort étouffé», raconte Werner.
C’était dans les années 1950. À l’époque, la vie du hameau de Golzern était encore fortement influencée par la nature et ses dangers, mais déjà beaucoup plus facile que dix ans auparavant. L’amélioration de la qualité de vie était due essentiellement au nouveau téléphérique qui relie, aujourd’hui encore, Golzern et Bristen. «Quand j’étais jeune, nous nous déplacions encore beaucoup à pied, mais nous pouvions au moins effectuer un apprentissage dans la vallée. Cela aurait été impensable avant l’arrivée du téléphérique», ajoute Werner.