Les skis au coeur de bois

Où naissent les meilleurs skis du monde? Pour Dano Waldburger et Andreas Dobler, aucun doute n’est permis: dans le hameau appenzellois de Steinegg. Et pour en convaincre un maximum de gens, les deux fabricants de skis proposent régulièrement des journées découverte.Les pommes de terre ont séduit Christophe Mornod. Le paysan de 35 ans, originaire du Jura bernois, ne peut expliquer pourquoi. Mais l’affection semble réciproque. Ses patates poussent en effet merveilleusement bien. Et on vient de loin pour les acheter.

Les Appenzellois savent garder un secret, et pas seulement celui de leur célèbre fromage et de sa saumure aux herbes. À première vue, rien ne distingue les skis de la manufacture Timbaer d’un modèle industriel. Bien sûr, leurs lignes sont élégantes, et la paire ornée d’une couche supérieure en noyer plaqué sort réellement du lot. Mais ce qui fait toute la différence, c’est leur noyau. Il est composé de très fines couches de bambou, superposées, puis collées selon un procédé breveté. Contrairement à un noyau conventionnel, cette structure confère au ski une meilleure flexion, ainsi qu’une plus grande rigidité à la torsion. Un ski Timbaer peut donc être fléchi avec relativement peu d’efforts, mais avec une torsion moindre, ce qui facilite grandement l’amorce et la sortie des virages en carving.

Le projet en bref

  • Manufacture de ski
  • Systèmes informatiques
  • Appenzell/AI

Le premier ski était un projet de fin d’études

Obtenir une conduite sportive en peu d’efforts, telle était la consigne du premier prototype assemblé par Andreas Dobler il y a neuf ans, dans l’atelier de l’entreprise où il effectuait son apprentissage en menuiserie. Ce ski a donc vu le jour dans le cadre d’un travail de fin d’études. Dès la sortie d’essai initiale, Andreas a décelé tout le potentiel de son invention. Elle a également convaincu Dano Waldburger, camarade d’école professionnelle, avec qui il partageait non seulement l’amour du travail du bois, mais aussi un passé de skieur de compétition. Sans hésiter – et, selon leurs propres dires, avec toute la naïveté de la jeunesse – ils ont décidé de fonder une entreprise et de devenir fabricants de skis.

Aujourd’hui, huit ans plus tard, après beaucoup d’efforts, plusieurs prix remportés et deux modèles modèles supplémentaires développés, leur rêve est devenu réalité. Andreas et Dano ont même pu embaucher un troisième artisan pour leur prêter main-forte. Ils fabriquent environ 400 paires de skis par an. Difficile d’en faire beaucoup plus: «notre structure doit rester svelte, avec des processus légers, car la production artisanale est complexe et coûteuse», explique Dano. «Si nous devions recruter quelqu’un, pour gérer les tâches administratives par exemple, cela ne fonctionnerait plus.» Les fondateurs de Timbaer ont exploité le moindre potentiel d’amélioration, pour gagner sans relâche en efficacité. Ils ont ainsi fait l’acquisition d’appareils professionnels, dont une cireuse et une affûteuse de chants, et troqué leur ancienne machine CNC standard contre un modèle bien plus complexe et onéreux, unique en Suisse. Dano et Andreas n’ont rien contre une mécanisation ciblée, mais pas question de passer à une production industrielle. «Il serait impossible de maintenir notre niveau de qualité élevé», précise Andreas. Les entrepreneurs, qui n’ont même pas encore 30 ans, font donc de la nécessité une vertu et assument parfaitement leur positionnement de petite marque de ski haut de gamme.


Convaincus après une brève descente

Par conséquent, l’atelier n’est pas devenu une usine, mais une manufacture que Dano et Andreas n’hésitent pas à faire découvrir à leur clientèle potentielle. Aujourd’hui, Dano raconte l’histoire de Timbaer à Luzia Bachmann et André Arnold. Ils observent Andreas en train d’encoller, avec une colle spéciale à deux composants, puis de superposer, sur un établi, des semelles, noyaux, carres, renforts et couches supérieures déjà préparés. Ils apprennent que le nom de la marque est l’association du mot anglais «timber», qui signifie «bois de construction», et de «Baer», l’ours qui figure sur le drapeau de l’Appenzell, avant d’assister à la mise en place des pièces superposées, dans la presse conçue par le duo de menuisiers. Les visiteurs sont unanimes: «c’est passionnant et fascinant». Ils ont découvert Timbaer grâce à une nouvelle offre développée avec l’office du tourisme d’Appenzell: «Skierlebnis Appenzell» («expérience autour du ski en Appenzell»). Elle comprend, outre la visite de l’entreprise, un dîner en compagnie des fondateurs de Timbaer, une nuit dans un hôtel et, le lendemain, la possibilité de tester tous les skis de la manufacture sur les pistes du domaine d’Ebenalp/Horn.

Les conditions d’enneigement n’étant pas parfaites, le test du lendemain n’est pas aussi concluant que l’auraient souhaité les organisateurs et les invités. Mais les courtes descentes suffisent à convaincre André et Luzia, qui aimeraient repartir directement avec une paire de skis chacun. Or, le modèle qu’ils souhaitent n’est pas en stock. Ils devront donc patienter quelques semaines, le temps que leurs propres Timbaer soient fabriqués. D’ailleurs, la marque n’est plus distribuée en magasin de sport. «Il y a tant de choses à dire sur notre produit. nNon seulement nous sommes les mieux placés pour en raconter l’histoire, mais la clientèle préfère l’entendre directement de notre bouche», explique Dano. «L’idéal, c’est que les personnes intéressées viennent directement nous voir, fassent le tour de la manufacture, puis repartent directement avec la paire de leur choix, ou la commandent dans la boutique en ligne.»

timbaer.ch

Texte: Max Hugelshofer

Images: Yannick Andrea

Paru en novembre 2023

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Quand les fondateurs de la marque Timbaer ont décidé de vendre leurs skis en ligne, ils ont été obligés de moderniser leurs systèmes informatiques. Mais comme ils venaient d’investir leur capital dans une machine CNC, l’Aide suisse à la montagne est intervenue.
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