Quand l'odeur du cacao indique une production d'électricité
Deux agriculteurs chevronnés se lancent avec succès dans le biogaz. Zoom sur un projet lancé à fin 2021 et qui s’avère plus que nécessaire à l’aube de l’année 2023.
Deux agriculteurs chevronnés se lancent avec succès dans le biogaz. Zoom sur un projet lancé à fin 2021 et qui s’avère plus que nécessaire à l’aube de l’année 2023.
Jean-Luc Bonjour et Aurèle Chiffelle, tous deux agriculteurs à Lignières dans le canton de Neuchâtel, sont associés depuis plus de 25 ans pour l’exploitation agricole. Très complices, les deux hommes sont déjà à l’origine d’une entreprise de transports agricoles TeamAgri SA avec laquelle ils assurent des travaux d’entretien et des transports de matériaux en tout genre. Ils ont à nouveau choisi de diversifier leurs activités avec la création d’une centrale de biomasse, permettant la production d’énergie renouvelable et de chaleur.
Un projet pensé et imaginé depuis de nombreuses années, quand Maxime Bonjour, le fils de Jean-Luc. Lui est aujourd’hui âgé de 29 ans et investi à plein temps dans l’entreprise. Ils les a orientés le premier vers cette solution écologique, verte, créatrice d’énergie, de chaleur et porteuse d’avenir. C’était en 2014. Il s’agit là de valoriser les résidus organiques, tels les engrais de la ferme des agriculteurs de la région, ainsi que d’autres résidus et de les transformer en énergie. A l’aube de l’année 2023 et avec les restrictions énergétiques en cours annoncées, le projet a non seulement toute sa raison d’être mais est porteur de sens.
Depuis près d’un an, le projet est fonctionnel. La centrale, alimentée par une vingtaine d’agriculteurs de la région fonctionne à plein régime et ronronne silencieusement dans la campagne de Lignières. Il ne s’en dégage presque aucune odeur, juste quelques légers effluves de cacao qui flottent dans l’air.
Avant de se lancer dans cette entreprise verte Aurèle Chiffelle et Jean-Luc Bonjour ont pris la peine de visiter plusieurs installations, notamment celle de Simon Eschler à Fleurier et celle de la famille Veuve à Chézard. C’est aussi la raison pour laquelle les deux hommes ont pensé leur projet en grand. Des conduites souterraines relient certaines fermes à la centrale et le lisier est acheminé directement par voie souterraine. Contrairement à d’autres installations de biogaz, les agriculteurs de la région n’ont pas besoin d’amener leur fumier à la centrale de biogaz. C’est TeamEnergie SA qui se charge d’aller collecter la matière première dans les fermes ou auprès des manèges environnants. Les agriculteurs membres sont enchantés ! Ils bénéficient en retour d’un lisier méthanisé qu’ils peuvent venir chercher dès qu’ils en ont besoin. Ce dernier a des propriétés bien différentes du lisier non méthanisé. Il est utilisé comme engrais naturel de haute qualité. Il en résulte une meilleure fluidité, des émissions d’odeurs nettement plus faibles.
Dans une installation de biogaz comme Team Energie SA, 80% d’engrais de ferme (lisier et purin) principalement sont employés et transformés en énergie. 20% d’autres résidus organiques peuvent être ajoutés, tels que poussières de moulins, marc de café et cacao. Des ingrédients méthanogènes qui permettront de passer de résidus agricoles ou organiques à la création d’un courant vert, après le processus de méthanisation.
Ces ingrédients sont acheminés dans un digesteur. Il faut compter 55 à 60 jours pour qu’ils soient décomposés dans un système étanche au gaz (digesteur et post-digesteur). Le méthane qui s’échappe est alors collecté dans ce digesteur hermétique. Ce gaz à effet de serre qui en résulte - plus polluant que le CO2 si diffusé dans l’atmosphère - est utilisé comme énergie renouvelable et n’est plus nocif pour le climat.
Le méthane est brûlé dans un premier temps par ce qu’on appelle le couplage chaleur force dans un moteur relié à une génératrice, qui elle produira de l’électricité. L’électricité produite est achetée par l’entreprise Fleco power, un centre de régulation basé à Winterthur. Celle-ci redistribue à son tour l’énergie à un réseau de consommateurs. Une partie de la chaleur produite est utilisée pour chauffer les digesteurs. La revalorisation de la chaleur est encore à l’étude.
Aurèle Chiffelle est très clair: «Le projet ne se serait pas réalisé sans le soutien de la fondation de l’Aide suisse à la montagne. L’apport financier a notamment permis de débloquer des fonds et d’obtenir le feu vert bancaire». Ce projet d'envergure entre dans le cadre de l'action de l’Aide suisse à la montagne pour les énergies renouvelables et la réduction des émissions de CO2.
Il est évident que le projet s’inscrit dans l’actualité climatique et répond à un besoin urgent en matière d’énergie renouvelable. Nul doute que le projet, qui n’a pas connu de problèmes majeurs et qui n’a fait l’objet d’aucune opposition dans la région, voit son avenir rempli de succès. Mais il aura fallu la conviction forte de deux agriculteurs pour mener à bien un tel projet.