Vivre sur l’Eiger

Située à 3’355 mètres d’altitude, la cabane Mittelleggi est le projet le plus haut que l’Aide suisse à la montagne ait soutenu. Les alpinistes sont ravis de ne plus devoir se restaurer en trois étapes. La gardienne de la cabane, Kai Tschan, a quant à elle davantage de place pour faire la cuisine et son espace privé est un peu moins restreint.

«Chaque jour, je réalise la chance que j’ai d’être d’être ici. Je ne me lasse jamais de la vue sur la mer de glace et les couchers de soleil sont exceptionnels! C’est le troisième été que je travaille ici en tant que gardienne. A la base, je suis juriste, mais j’ai souhaité faire une pause dans ma profession. Comme j’envisageais de donner un coup de main pendant quelques mois dans une cabane de montagne, mon collègue de varappe m’a alors dit qu’il y avait une place de libre ici - tout le reste, c’est de l’histoire.

Ce n’est pas un job ordinaire d’être gardienne de cabane. Parfois c’est si astreignant que j’arrive à mes limites physiquement, et quand c’est de nouveau plus calme je ressens la solitude. Tout dépend du temps qu’il fait. Quand la météo est favorable et que les 40 places sont occupées, je me lève à 4 heures du matin, prépare le petit déjeuner et m’occupe des clients qui veulent partir tôt pour être de bonne heure sur l’Eiger. Le matin, je dois remettre en ordre les dortoirs, faire le ménage et préparer à nouveau le tout pour la nuit. Ce serait chouette d’avoir le temps de faire des gâteaux, mais vers midi de nouveaux alpinistes arrivent. Il est rare que je puisse me coucher avant 23 heures. Après les longues périodes de beau temps, la basse pression revient. Et par mauvais temps, personne ne vient. Je peux donc rattraper mon manque de sommeil. Sinon, il n’y a pas grand-chose à faire. Je ne peux pas aller me promener. A gauche comme à droite, il n’y a que des parois rocheuses de centaines de mètres de haut et derrière la cabane, une arrête très raide qui mène à l’Eiger. Et devant la cabane, mes pas jusqu’à l’aire d’atterrissage de l’hélicoptère se limitent, sans devoir faire de la varappe, à 15 mètres!

Le projet en bref

  • Cabane de montagne
  • Agrandissement
  • Grindelwald/BE

Rarement seule très longtemps

Evidemment c’est désert quand il fait mauvais temps et même parfois angoissant quand le vent siffle autour de la cabane ou quand, par temps d’orage, les éclairs font trembler toute la montagne. Mais les périodes de solitude
ne durent généralement pas très longtemps. Quand une longue période de mauvais temps est annoncée, je ferme la cabane et me rends en vallée. Enfin ce n’est pas vraiment la bonne expression. Il n’y a pratiquement pas de cordées qui descendent vers la vallée, et de faire le trajet seule serait trop difficile et dangereux. C’est pourquoi je repars par les airs. Comme les vivres et le bois de chauffage sont transportés par hélicoptère, de même que les ordures, je n’ai pas besoin de faire appel à un hélicoptère spécialement pour moi.

La cabane Mittellegi appartient à l’association des guides de montagne de Grindelwald. Il y a une cabane à cet endroit depuis 1924. En 1986, un refuge pour les bivouacs est venu s’ajouter et en 2001 un nouveau bâtiment offrant davantage de places de couchage a été construit. Le foyer a par contre toujours été aussi petit. Il a fallu convertir trois lits en places pour s’asseoir. Et lorsque la cabane était pleine, il fallait manger en trois étapes. Celui qui ne mangeait pas n’avait pas d’autre recours que de s’allonger sur son lit. Aujourd’hui, après l’agrandissement de la cabane, le nombre de places pour dormir n’a pas augmenté, mais nous disposons de davantage d’espace. C’est presque confortable pour nos hôtes, et c’est mieux pour moi aussi. Je dispose maintenant de ma propre chambre au premier étage. Avant, ma piaule n’avait que quelques centimètres de plus que mon lit et elle n’était séparée de la salle de séjour que par une paroi de bois très mince. Ce qui n’a pas changé, c’est que quand je suis fâchée, je jette un coup d’œil par la fenêtre sur le magnifique panorama… et tout va bien à nouveau.

mittellegi.ch


Texte: Max Hugelshofer
Images: Yannick Andrea

Paru en mai 2020
 Bottes de montagne devant la cabane.
L’Aide suisse à la montagnes apporte un soutien financier lorsque l’argent ne suffit pas pour réaliser un projet porteur d’avenir.